"Six Comètes", poèmes de Kza Han illustrés par E. Rautenstrauch
Voici une nouvelle "livraison" des oeuvres de la poétesse et traductrice coréenne Kza Han qui nous offre ici ses "6 comètes", poèmes illustrés de compositions stéréoscopiques de Ekkehart Rautenstrauch.
La fuite du temps
D’un pinceau de lettré
se tire le chaos,
dans l’encre de Chine
se retire le chaos.
Eros et le sacré
Leurs corps étaient immobiles. Sur leurs épaules, de lourds quartiers de viande reposaient. Leur blouse de travail était trempée de sang. Un autel rouge dressé dans l’espace blanc. Ils attendaient l’abattage du cheval. Les civilisés parlent. Les barbares se taisent.
L’Allemagne en automne
C’est l’automne. L’Allemagne enterre son cadavre. La professeur d’histoire de l’Allemagne creuse la terre. Elle cherche la base de l’histoire d’Allemagne. Les feuilles se fanent et tombent doucement. Antigone viole la loi de Créon. Elle enterre le cadavre de son frère. Dans la forêt, les chevaux frémissants piaffent.
Angles de site
De toute sa force
résistant à l’air vicié,
gingko, arbre du ciel
vêtu d’or.
De son noyau
lâchant une amande,
feuille en éventail
séparée de soi-même,
en quête de son double,
gingko, arbre du ciel
vêtu d’or.
Dans la foule
frappant le gong,
faisant la quête,
un moine errant
en position de zazen
sur sa natte
illuminée par
le soleil couchant.
Forçant la divination
par la terre
par la poussière
par les cailloux,
à l’encontre du vent
à l’encontre de l’eau,
cette incommensurable église
face au Mont Vert.
Autour du 38e parallèle,
dans les chars abandonnés
depuis un demi-siècle,
fôlatrent des animaux rares
parmi des plantes rares
en l’absence des hommes.
Or une Coréenne d’Amérique
de retour au pays natal
sur le dos de la Grue Bleue
se met en tête
par le ciel
de déjouer le 38e parallèle,
au son âpre du komùngo
éraflant de ses six cordes
les frontières invisibles.
Traces erratiques
Dans le chaudron glacial de Stalingrad se réfléchit le cerveau des soldats paralysés – “ Ne rien faire ” - “ Rien penser ” - “ Bruit blanc ” – seules leurs psalmodies encerclent de blanc le champ de bataille – “ Nous avons déjà perdu notre pays natal à Stalingrad… ” – Sans écho, l’irrépressible nostalgie s’en va en vain sur le chemin du retour. – “ Stalingrad, no man’s land ou le rire insensé du courage ! ” Asger Jorn dissout en vain toutes les couleurs de l’antique peinture d’histoire dans le blanc de l’Ouest, mat de la mort, sans retour au blanc de l’Est qui monte de la matité à la brillance. Stalingrad vit encore le huis clos, si profondément sombre le regard au rire erratique, crevassé de rouge et de noir, criblé de blanc. Si le noir imprime la volonté de vivre, le blanc exprime la volonté de mourir.
Brutalité en pierre
Seuil sur seuil
porte sur porte
voûte sur voûte
violemment
s’avère
loi de chant
à travers
loi de ruine.
Seul
un vautour
du haut des airs
se scrute
de son rire erratique
à travers
livre de ruine.
Pour télécharger les poèmes avec leurs versions coréennes et allemandes en PDF, cliquez sur le lien suivant : BEITRAG_Coreen
Ces poèmes ont été originellement publiés dans "Die Bauweise von Paradiesen. Für Alexander Kluge", revue "Maske und Kothurn", 53e année, 2007, cahier 1, hg. von Klemens Gruber und Christian Schulte, p. 21-32.